D'une beauté et d'une ambition rares

Publié le par Michel Monsay

D'une beauté et d'une ambition rares

On avait laissé l'excellent cinéaste québécois Denis Villeneuve il y a quatre ans avec le très réussi "Blade runner 2049", qui avait suivi un autre film emballant : "Premier contact" en 2016. Ces deux œuvres étaient déjà encrés dans l'univers de la science-fiction, genre que le réalisateur est en train de totalement révolutionner, si l'on y ajoute ce formidable "Dune", en y apportant sa virtuosité et sa sensibilité. Le talent de ce réalisateur de 53 ans nous été apparu au préalable dans plusieurs thrillers, comme "Sicario", dont la précision de la mise en scène et de la direction d'acteurs faisaient merveille, de même qu'une fascinante atmosphère sombre dans laquelle baignaient ses films, voilà pourquoi l'adaptation du fameux roman de Frank Herbert par Denis Villeneuve était tant attendue. On peut tout de suite dire que le résultat est largement à la hauteur de l'attente, on y retrouve tout ce qui fait la force du langage cinématographique du réalisateur, qui se sert de cette histoire futuriste pour nous tendre un miroir sur notre monde actuel, notamment d'un point de vue écologique et politique. Entre le roman de Herbert et le cinéma de Villeneuve, les passerelles thématiques abondent : La place des femmes dans une société patriarcale, la spécificité d’un langage, l’expérience du temps, les conflits de générations ou même, d’un pur point de vue de mise en scène, la confrontation dans un même cadre d’un humain à son environnement. Ne refusant jamais le spectacle et ses images iconiques lorsque le réclame la dramaturgie, Villeneuve réussit toujours à replacer l’humain au cœur de la mécanique. Un crédo passant par une incarnation visuelle naturaliste, parfois jusqu’au dépouillement. Loin de toute fantasmagorie, sans refuser pour autant une certaine étrangeté, de splendides gros plans sur des visages, voire une certaine luxuriance (le travail du chef opérateur est impressionnant, certaines séquences s'apparentant à des tableaux de maître), Dune crée une quotidienneté par laquelle le monde de Herbert se fait palpable, organique, plus proche que jamais de nous. D’autant que sa pertinence thématique, sur les enjeux écologiques de la surexploitation des ressources et les mécanismes de la colonisation, ajoute à ce sentiment de proximité et de contemporanéité. Dune, monumental d’ambition et d’ampleur, parvient alors à une illusion troublante d’intimité, notamment dans ce duo mère-fils, que Thimotée Chalamet et Rebecca Ferguson rehaussent avec brio, d'ailleurs tous les acteurs sont irréprochables. Dans la droite continuité de sa filmographie, Denis Villeneuve extirpe du roman un traitement inédit, bien supérieure à la version de David Lynch, continuant la réalisation sensorielle qu’il avait déjà expérimentée dans Premier contact et plus encore avec Blade Runner 2049 avec qui Dune partage nombre de similitudes à travers son apparente épure, l’absence de pyrotechnie inutile et la vision singulière d’un cinéaste décidément parmi l’un des plus admirables de sa génération. Ce projet de mise en scène se prolonge au sein du découpage technique, précis, minimaliste et anticonformiste. Le cinéaste ne fait jamais retomber la tension et nous entraîne dans un monde âpre, sublimé par une esthétique stupéfiante de maîtrise, que l'on admire dans les cadrages, l’architecture des décors et l’agencement méticuleux des éléments graphiques. Dune est l’accomplissement d’un cinéaste esthète qui n’aura de cesse de surprendre, parasitant chaque genre appréhendé, du drame psychologique à la science-fiction, avec une imagerie frappante et un regard passionné, il parvient à concilier grosse production et vision d'auteur.

Publié dans Films

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