L'artiste de la mémoire
Christian Boltanski vient de mourir, il avait 76 ans. En l’apprenant est venue à l’esprit la célèbre réplique de Jacques Prévert que Françoise Rosay serine à Michel Simon dans Drôle de drame, le film de Marcel Carné : « À force d’écrire des choses horribles, les choses horribles finissent par arriver. » Car le plasticien ne cessait dans ses installations de mettre en scène la mort, de jouer avec elle. On attribue cette obsession mortifère à son père, médecin d’origine juive, qui dut se cacher dans la cave durant l’Occupation allemande. Boltanski, né en septembre 1944 à Paris, est baptisé et élevé dans la religion catholique de sa mère corse mais le père, laïc, lui transmet sa culture ashkénaze. Tout au long de sa carrière, l’angoisse et le hasard deviennent le sujet central de ses installations : vêtements entassés, photographies d’enfants, portraits de familles nazies, lits d’hôpitaux, lumières blêmes, enregistrements de cœurs humains et sa vie elle-même sans cesse filmée. Pourtant, malgré leurs thèmes peu réjouissants, malgré leur mélancolie, les installations de Boltanski possèdent une justesse extraordinaire qui les rend attachantes. Leur mise en espace, souvent sans concession, colle parfaitement aux obsessions. Les lumières, la disposition de chaque objet, le choix de ces objets (la célèbre boîte à gâteaux secs en fer-blanc) et leur matière, tout est parfaitement calculé, composé de telle sorte que, dans ses expositions, à la vision dramatique succédaient toujours une facétie, une légèreté, une pointe d’humour permettant de se détendre et suscitant parfois un sourire. Car Christian Boltanski avait de l’humour, aussi. Il était reconnu comme l’un des principaux artistes contemporains français, à la fois plasticien, photographe, sculpteur et cinéaste. Le Centre Pompidou lui avait consacré une grande et belle exposition fin 2019, dont voici quelques photos que j'avais prises.