Conseil de lecture
Couronné par le Prix Goncourt en novembre dernier, ce petit livre d'Eric Vuillard a déjoué tous les pronostics. Paru en mai et non durant la rentrée littéraire comme c'est presque toujours le cas pour le lauréat, il s'agit en plus d'un récit et non d'un roman, le Goncourt récompensant pourtant chaque année la meilleure fiction. La force de ce court texte (150 pages) a sidéré les membres du jury, qui sont passés outre les recommandations de sélection pour attribuer le prix, tout comme le simple lecteur en découvrant les scènes saisissantes décrites par l'auteur, entre grotesque et tragique. La plume d'Eric Vuillard est celle d'un orfèvre qui s'emploie implacablement à rappeler l'inertie coupable des états, mais aussi des entreprises qui ont financé le parti nazi et ensuite exploité la main-d'oeuvre des camps de concentration dans des conditions abominables. Ces entreprises, qui ont continué de prospérer après la guerre comme si de rien n'était, sont toujours là parmi nous et équipent notre quotidien. A travers des faits avérés, l'écrivain regarde l'Histoire autrement et nous offre un récit tout autant terrifiant que passionnant contre la veulerie et la résignation.