Troublant récit initiatique dans l’Espagne post-franquiste
Considéré comme l’un des plus grands romanciers de notre temps, Javier Marias éblouit dans sa dernière œuvre par l’intelligence de son écriture. Sa langue d’une envoûtante richesse mais toujours accessible, nous emmène au-delà de l’intrigue vers des digressions d’une justesse impressionnante. A 65 ans, le madrilène ausculte dans ce magnifique roman les comportements de l’Espagne franquiste et surtout postfranquiste, vu qu’une grande partie de l’histoire se passe en 1980 lorsque le pays est en pleine transition démocratique. Cela étant, le cœur du roman tourne autour d’un couple d’une quarantaine d’années, et les nombreux personnages gravitant autour qui chacun à son niveau est touché par ce vent de liberté après les années de plomb. A travers l’histoire personnelle de ce couple et le comportement des uns et des autres sous Franco, l’écrivain questionne le pardon, le mensonge, la trahison, le secret, les non-dits, l’amour, l’amitié et bien d’autres thèmes avec toujours une extrême lucidité et une acuité à analyser les consciences pour comprendre le sens de nos actes. Un homme, pas loin de la soixantaine, entreprend de nous raconter son histoire et celle des personnes qu’il a côtoyées lorsqu’il avait 23 ans et était secrétaire particulier d’un réalisateur à Madrid. Il nous évoque d’emblée le mariage désastreux de son patron uni depuis une vingtaine d’années à une femme dévouée et amoureuse, mais qu’il rudoie verbalement pour une raison mystérieuse. Le réalisateur fait part au jeune homme d’une rumeur qui le tracasse concernant un ami de longue date, et va le charger d’enquêter à son sujet. En suivant l’apprentissage de ce brillant jeune homme, le romancier nous passionne, nous intrigue et nous éclabousse de son immense talent à mêler l’intime, le contexte historique et une réflexion magistrale sur les choses de la vie.
Si rude soit le début - Un roman de Javier Marias - Gallimard - 576 pages - 25 €.