« Xavier Beulin a fait entrer la FNSEA dans le XXIe siècle »
Ancien Ministre de l’agriculture sous Jacques Chirac, Philippe Vasseur, qui est aujourd’hui Commissaire pour la revitalisation et la ré-industrialisation des Hauts-de-France, a bien connu Xavier Beulin dont il nous parle avec émotion.
Après l’avoir croisé un certain nombre de fois, j’ai véritablement fait la connaissance de Xavier Beulin en 2000 lorsqu’il a succédé à Jean-Claude Sabin à la tête de Sofiprotéol. C’est quelqu’un que je regrette beaucoup, nous avions non seulement des souvenirs communs mais aussi des convictions partagées. Xavier avait une personnalité complexe, avec à la fois une certaine forme de pudeur mais en même temps de l’empathie avec les gens. Il avait aussi une grande ouverture d’esprit. Son caractère a été forgé par une histoire personnelle difficile, la perte de son père alors qu’il avait 17 ans et la reprise de l’exploitation à l’âge où d’autres pensent à s’amuser. Cela l’a amené assez tôt à prendre en considération un certain nombre de difficultés de la vie.
Je me souviens lui avoir dit lorsqu’il avait le projet de postuler à la présidence de la FNSEA : Tu n’es pas assez démagogue pour cela; et il m’avait répondu : Ne t’inquiète pas, je suis capable de parler aux paysans et eux-mêmes le seront aussi d’entendre le discours que je souhaite tenir sur la mutation du monde agricole. Résultat, il a fait entrer la FNSEA dans le XXIe siècle et a replacé l’agriculture dans une trajectoire économique, ce qui n’est pas du tout contradictoire avec l’aspect humain. Nous partagions cette notion d’économie responsable, j’ai d’ailleurs été à ses côtés lorsqu’il a créé l’Open Agrifood à Orléans. Il a été le défenseur d’un pluralisme agricole avec toutes ses composantes tout en rappelant la vocation de production de l’agriculture. Il estimait que l’agriculture française était assez forte pour retrouver sa position sur les marchés à l’exportation.
Xavier Beulin a redonné une grande vision à l’agriculture, en mettant en avant sa modernité avec l’utilisation de technologies nouvelles, mais aussi en soutenant qu’elle devait s’impliquer davantage dans son aval afin de pouvoir peser sur l’utilisation de sa production, et aussi dans la société. Il a d’ailleurs été président du conseil économique, social et environnemental de la région Centre, ce qui démontrait bien sa dimension pluraliste et la place qu’il avait su prendre sur le plan régional. Il serait dommage que le prochain président de la FNSEA ignore la trajectoire tracée par Xavier mais je ne pense pas que ce sera le cas, Christiane Lambert est dans cette logique de modernité même s’il peut y avoir quelques petites différences.
Tout au long de sa carrière, commencée aux Jeunes Agriculteurs à 17ans, il a su avoir une constance, une logique dans les décisions qu’il prenait à la fois pour l’agriculture, sur son territoire et dans les responsabilités qu’il a eues chez Sofiprotéol et Avril. En restructurant et en développant le groupe Avril, il a démontré qu’un agriculteur était capable de s’investir, de faire les bons choix stratégiques et de lutter à armes égales avec de grands industriels. Il savait s’entourer, faire confiance aux hommes et aux femmes qui travaillaient avec lui. S’il avait de nombreuses casquettes, il y avait un fil rouge, une complémentarité et pas de dispersion dans des activités qui n’avaient rien à voir avec le monde agricole. C’était un homme qui aimait la vitesse, autant à moto que par sa capacité à réfléchir très vite.
Je constate que l’on est critiqué de son vivant et encensé lorsqu’on est mort, mais les hommages unanimes à Xavier n’ont pas été faits en se reniant de la part de personnes opposées à son action qui ont dit : On ne partageait pas sa vision mais on reconnaissait que l’homme était sincère, engagé et efficace. Être à la fois cash, direct tout en donnant le sentiment qu’il ne trichait pas, telle était la personnalité de Xavier Beulin qui a su être respecté tout au long de sa carrière.