Interview de Yannick Jadot sur l'agriculture et la ruralité
Député européen depuis 2009, à 49 ans Yannick Jadot a remporté en novembre dernier la primaire écologiste. Il est de ce fait le candidat d'Europe Ecologie Les Verts à l'élection présidentielle.
Quelles sont vos propositions pour que l’agriculture et l’agroalimentaire redeviennent un enjeu stratégique au niveau français et européen ?
Yannick Jadot - Il est compliqué de parler d'enjeu stratégique lorsqu'il s'agit de nourrir les gens : l'agriculture n'est pas un secteur d'activité comme les autres. L'écueil néolibéral dans lequel nous sommes tombés condamne une large majorité de paysans à une guerre économique sans fin, qu'ils ne peuvent pas gagner. Les crises se succèdent, toujours plus violentes ; et les remèdes ponctuels n'ont plus d'effets, si ce n'est obliger un nombre croissant d’agriculteurs à remplir des dossiers d'aide pour survivre.
Le modèle agricole que nous défendons doit garantir notre souveraineté alimentaire avec des produits de qualité, protéger les travailleurs de la terre et assurer le renouvellement des ressources naturelles dont nous dépendons pour vivre.
Nous proposons de relocaliser massivement notre agriculture et d'accompagner les agriculteurs vers le bio et la labellisation, en allouant 50% des fonds de la PAC à cette restructuration. Nous avons pour objectif de quadrupler la SAU en bio sur la mandature. Nous mettrons pour cela en place une politique volontariste d'accès au foncier et de lutte contre l'artificialisation des sols, notamment en zone périurbaine. Pour assurer des débouchés aux agriculteurs et une alimentation de qualité au plus grand nombre, 100% des cantines (publiques et privées) seront approvisionnées en produits locaux, biologiques ou paysans. Ce sont des synergies que nous voulons favoriser, entre territoires, agriculteurs et citoyens.
Aujourd’hui l’agriculteur n’est pas correctement rémunéré dans la chaîne de production et sa situation est très fragile. Que proposez-vous pour une répartition plus équitable de la valeur afin que les paysans continuent de vivre dignement de leur métier ?
Y.J. - Les prix de ventes des produits agricoles sont beaucoup trop bas pour couvrir les frais et la rémunération des agriculteurs. Par contre, les intermédiaires, les grandes surfaces, les marchands de semences et de matériel réalisent eux des marges injustifiées. Le modèle actuel doit se métamorphoser le plus possible en une agriculture et une filière agro-alimentaire de proximité, génératrice de revenus dignes et de produits de qualité.
Les solutions à la crise agricole sont dans nos territoires. Dès à présent, le travail de tous les agriculteurs doit être reconnu dans le prix de leurs produits. L’alimentation est la condition même de la vie de tous les êtres humains, et ses producteurs doivent être respectés à ce titre.
La ruralité est essentielle dans notre pays et pour l’agriculture. Quel est votre projet pour redynamiser les territoires ruraux, notamment par rapport aux services publics, à l’accès aux nouvelles technologies, aux emplois, au foncier ?
Y.J. - Les conditions d’existence se sont dégradées dans beaucoup de nos zones rurales. Le sentiment d’abandon persiste.
Nous voulons engager la transition écologique des territoires ruraux, pour leur permettre de valoriser leurs ressources locales et d’apparaître comme des lieux où il est possible de concrétiser des projets professionnels et de mieux vivre. C'est en relocalisant, conservant et réimplantant l'activité que nous redynamiserons les zones rurales.
Il faut assurer un maillage des transports publics sur tout le territoire, et en finir avec les déserts médicaux en soutenant l’installation de médecins en maisons de santé adossées à des unités de premiers soins. L’aménagement du territoire doit garantir la cohésion sociale, et le maintien des services publics partout.