La soif de vivre d’une jeune chanteuse sous Ben Ali

Publié le par Michel Monsay

La soif de vivre d’une jeune chanteuse sous Ben Ali

Après être venue à Paris étudier la littérature française à la Sorbonne et le cinéma à la Fémis, Leyla Bouzid, jeune tunisienne de 31 ans, fille de cinéaste, choisi pour son premier long-métrage d’en situer l’action à la fin de l’ère Ben Ali juste avant le printemps arabe. Son film permet ainsi aux occidentaux de se rendre compte de la peur que ce régime policier engendrait chez les tunisiens, et surtout il contribue à lutter contre l’amnésie. Elle le fait avec une liberté qui n’aurait pas été possible avant la révolution, un mélange d’énergie, de sensibilité à fleur de peau, de grande lucidité sans alourdir son film d’un message trop militant. Sa caméra est vivante, sensuelle, réaliste, tout est filmé en décors naturels avec l’atmosphère qui s’y rattache, comme dans les bars parfois mal famés où de vrais clients reluquent la jeune héroïne. La cinéaste s’approche au plus près de ses comédiens, qui sont tous vibrants de vérité, pour capter l’émotion brute tant dans les superbes parties musicales, que dans l’intimité du couple, ou dans la très belle et complexe relation entre une mère et sa fille qui jalonne le film. L’excellente musique, un rock mâtiné de sonorités orientales, qui est un élément central de ce passionnant portrait d’une jeunesse tunisienne, est transcendée par les musiciens et surtout la jeune comédienne chanteuse, dont le sourire ravageur nous bouleverse de même que son interprétation bouillonnante et émouvante. Le film démarre sur son visage en clair obscur qui se rapproche de celui de son amoureux pour une étreinte tendre, interrompue par l’ennui d’un copain qui les accompagne dans cette virée en bord de mer, et souhaite rentrer à Tunis. Ils prennent un train de banlieue dans lequel la cinéaste les filme dans un style proche du documentaire avec de magnifiques plans sur les passagers. Puis cette jeune fille de 18 ans rentre en taxi pour chez ses parents, elle y est accueillie par sa mère folle de rage et d’inquiétude, son père ingénieur étant souvent en déplacements. Difficile de résister au talent de cette jeune réalisatrice et à la finesse de son regard, à la merveilleuse spontanéité de son héroïne, à cette musique d’une incroyable force, symbole de la résistance qui couvait en cet été 2010.

                                                                                                                   

A peine j’ouvre les yeux – Un film de Leyla Bouzid avec Baya Medhaffar, Ghalia Benali, … - Shellac – 1 DVD : 19,99 €.

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