François Morel, humoriste, comédien et chanteur

Publié le par Michel Monsay

François Morel, humoriste, comédien et chanteur

Un rire bienveillant, parfois mordant

 

Depuis les Deschiens qui ont révélé François Morel, son univers n’a cessé de s’étoffer de même que son public, et même la presse est de plus en plus unanime. Avec ses spectacles d’une rare humanité, qu’il enchaîne depuis qu’il a quitté la troupe de Jérôme Deschamps, des pièces de théâtre, des films, sa carrière de chanteur, ses livres et ses chroniques radios, cet artiste très attachant est devenu incontournable.

 

Si l’on a connu François Morel dans un registre purement comique par le passé, il est certain qu’aujourd’hui il ne refuse plus l’émotion et s’inscrit dans un mélange des genres qu’il affectionne lui-même en tant que spectateur, et surtout qui lui va merveilleusement bien. Comme la période que nous vivons est dure et violente, il estime que les gens venant au théâtre ont besoin d’apaisement et a conçu ses deux derniers spectacles sur un mode plus empathique, où la tendresse et la poésie se mêlent délicieusement à l’humour. Depuis qu’il a entamé une carrière de chanteur en 2006 en écrivant évidemment lui-même ses textes, il a l’impression de se mettre un peu plus à nu.

Son humilité l’empêche d’accepter la parenté avec Raymond Devos qu’il considère comme un maître, même s’il reconnaît : « Je ne veux pas que mon humour soit cynique ni en dessous de la ceinture, j’ai envie que l’on puisse en rire sans en avoir honte. » Son dernier spectacle, Hyacinthe et Rose, correspond apparemment à une attente du public qui vient nombreux le voir au théâtre de l’Atelier à Paris (il sera ensuite en tournée en 2016) et semble touché : « Les gens me disent que le spectacle réveille leur imaginaire et leur donne envie d’évoquer leur propre enfance. »

 

La vocation du rire

Enfant secret aimant faire rire ses camarades, il nous explique qu’au fond il n’a pas tellement changé : « Le rire a longtemps été mon rapport aux autres, l’âge venant pas seulement, mais je ne pourrai pas me passer du rire, c’est une forme de politesse d’essayer de mettre de l’humour dans les spectacles. » Sa vocation est donc née très tôt lorsqu’enfant il était fasciné par les humoristes et les chanteurs, puis en montant des petits spectacles avec ses copains. Ensuite, il intègre l’école nationale de théâtre de la rue Blanche à Paris, en se disant que ce serait long pour réussir n’ayant pas un physique de jeune premier, il s’identifie alors à Jean Rochefort ou Jean-Pierre Marielle. Cela ne l’empêche pas de commencer à écrire des sketches avec Marina Tomé, ils se produisent pour des comités d’entreprise ou dans des petites salles comme celle de Saint-Georges des groseilliers dans l’agglomération de Flers en Normandie, la commune de son enfance.

Il se présente à des castings et obtient un rôle dans une pièce avec Robert Hirsch et Darry Cowl, puis dans Napoléon avec Serge Lama, avant que Jean-Michel Ribes lui confie le personnage d’Alfred le groom dans la série télévisée Palace diffusée sur Canal + puis sur Antenne 2. Sachant que François Morel écrit des sketches, le metteur en scène lui demande d’en écrire pour son personnage : « Cela a contribué à me donner un peu d’assurance. La série n’a pas marché tout de suite, sans doute trop novatrice, elle était vraiment en rupture avec ce qui se faisait à l’époque. C’est après que l’on en a beaucoup parlé. »

 

La troupe des Deschiens

Autre rencontre très importante dans sa carrière, celle avec Jérôme Deschamps dont il va faire partie de la troupe durant dix ans : « Avec lui, j’ai appris à prendre l’humour au sérieux, les spectacles étaient à la fois drôles, burlesques et très exigeants. Pendant les périodes de répétition, le travail d’improvisation était très libre et ouvert, puis quand le spectacle démarrait il devenait une machine de guerre, c’était très écrit. Il y a chez Jérôme Deschamps une intelligence de la scène, avec une volonté de ne pas appuyer ou souligner les choses pour laisser de la place à l’imaginaire du spectateur. » Outre les spectacles sur scène, la troupe de Jérôme Deschamps se fait connaître du grand public avec les Deschiens, série de sketches diffusée sur Canal dès 1993. Pour François Morel, acteur central de cette série, les Deschiens n’ont jamais eu un caractère sociologique à ses yeux, il s’agissait juste de forcer un peu le trait : « Les sketches faisaient plutôt rire les gens de chez moi dans l’Orne, par contre certains parisiens étaient choqués, en particulier ceux qui avaient de la condescendance pour les gens de la campagne. » Parmi les plus fameux, le comédien évoque celui où il reproche à son fils de préférer lire Marguerite Yourcenar plutôt que les mémoires de Poulidor, celui sur les autoroutes de l’information ou un autre sur le chanteur d’opéra. Jamais écris à l’avance, juste des idées lancées avant de tourner, les comédiens improvisent face à la caméra et affinent le sketch en quelques prises.

 

Une carrière protéiforme

Le succès rencontré par les Deschiens propulse François Morel dans une autre dimension, qui lui permet d’enchaîner ses propres spectacles, des rôles au théâtre, au cinéma et dans des téléfilms. S’il a tendance à privilégier son univers et ses mots sur scène en essayant chaque fois de se renouveler, cela ne l’empêche pas de vivre de grands moments théâtraux comme Les diablogues de Roland Dubillard qu’il joue avec Jacques Gamblin, ou Le bourgeois gentilhomme dans le rôle-titre mis en scène par Catherine Hiégel. Il aime aussi le cinéma lorsque son emploi du temps le lui permet : « C’est une autre manière d’aborder l’art dramatique, qui n’est pas plus facile que le théâtre comme certains le disent. » Parmi les films qui lui tiennent à cœur, il y a la trilogie de Lucas Belvaux avec Un couple épatant dans lequel il tient le rôle principal aux côtés d’Ornella Muti, et ceux tournés avec Pascal Thomas, notamment L’Heure zéro d’après Agatha Christie où il est également en tête de distribution. Heureusement les réalisateurs ne le cantonnent pas qu’à la comédie et lui proposent parfois des personnages plus dramatiques, comme récemment Monsieur Paul qu’il vient de tourner pour France 2 où il joue Paul Touvier.

 

L’écriture, des spectacles aux chroniques radios

La période des Deschiens où il improvisait beaucoup de même que l’arrivée de l’ordinateur ont contribué à déstresser François Morel dans son rapport à l’écriture : « Je n’ai plus l’angoisse de la feuille blanche et en plus comme j’avais une obsession du propre en écrivant, chaque fois que je n’étais pas content d’une chose j’étais obligé de tout réécrire, alors que maintenant avec l’ordinateur c’est tellement simple. » En plus de l’écriture de ses spectacles, il régale les auditeurs de France Inter depuis 2009 tous les vendredis matin à 8h55 d’un billet drôle ou émouvant voire les deux, ou parfois cinglant sur certains sujets ou personnes qui le font sortir de ses gonds. Ses savoureuses chroniques écrites d’une très belle plume, véritable antidote à la morosité ambiante, sont également publiées sous forme de recueil, comme récemment « Je rigolerai qu’il pleuve », et peuvent l’inspirer pour créer un spectacle comme « La fin du monde est pour dimanche » qu’il rejouera en 2016 : « Il m’arrive d’être plus politique à la radio que sur scène, où je n’aime pas trop mettre des noms propres dans mes spectacles. » Au sein de la matinale de France Inter déjà très écoutée par ailleurs, les billets de François Morel sont attendus chaque vendredi par un nombre d’auditeurs sans cesse croissants, qui a rendu plus intime le rapport au public de l’humoriste. Bénéficiant d’une totale liberté, il aime surprendre chaque semaine passant d’une fantaisie pure à une indignation ou à un vibrant hommage comme ceux rendus en leur présence à Jacques Higelin, Catherine Deneuve ou Fabrice Luchini.

 

La détermination d’un passionné

Si à priori rien ne le disposait socialement et familialement à devenir artiste, il a dû faire preuve d’un certain entêtement pour y arriver, de même tout au long de son parcours il n’a jamais rien lâché pour mener à bien un projet. Amoureux de la chanson, il en écoutait beaucoup et a même songé étant jeune à se lancer dans une carrière, François Morel aura finalement attendu 2006 pour franchir le pas. Même s’il a pris goût à l’exercice et que cette nouvelle facette de son talent a été bien accueillie, il pense que le public ne vient pas pour entendre une grande voix mais plutôt une parole. Se retrouver sur scène est bien le moment que l’artiste a toujours préféré dans son métier, et à l’inverse ce qui l’ennuie : « Je pourrai dire la promotion mais ce ne serait pas poli. Parler aux gens est agréable dans l’absolu, mais la promotion est souvent condensée sur une courte période où on répète sans cesse la même chose, c’est un peu creux. »

Toujours attaché à son Orne natale où vit sa mère, François Morel est resté simple tant dans son comportement avec les autres que dans ses loisirs : « J’aime ramasser les feuilles dans mon jardin, même si ça me provoque des lumbagos, aller à la piscine, me promener, lire, voir des films, aller au resto avec des copains. » Après « Hyacinthe et Rose », il va enchaîner avec un nouveau spectacle en chansons mis en scène par la chanteuse Juliette, puis il partira en tournée avec « La fin du monde est pour dimanche ». Pour l’avenir, il aimerait développer l’écriture de chansons pour les autres, comme il l’a déjà fait pour Juliette Gréco ou Maurane : « Penser aux autres fait écrire différemment, c’est très agréable. » Sinon, un beau rôle au cinéma avec un grand cinéaste ne lui déplairait pas …

Publié dans Portraits

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