"Tous les dessinateurs humoristiques que je connais ne croient en rien"
Il y a une semaine nous découvrions avec stupeur, l'horreur du carnage perpétré au coeur de la rédaction de Charlie hebdo. Une semaine plus tard, nous sommes toujours aussi bouleversés par ces attentats barbares démarrés avec l'assassinat de dessinateurs que nous aimions tant, et dont l'humour empreint de liberté nous faisait si souvent rire. Voici une petite interview de Wolinski réalisée en 2012, un an après le portrait publié précédemment sur ce blog.
En ayant publié une centaine de livres et travaillé pour plus de 40 journaux, Georges Wolinski est l’un des dessinateurs de presse les plus demandés et les plus prolifiques. A 78 ans, il continue d’être au cœur de l’actualité avec une grande expo rétrospective à la BNF, deux livres qui retracent sa carrière riche et diversifiée, et chaque semaine ses dessins dans Paris-Match, Charlie hebdo et le JDD.
Pouvez-vous nous parler du métier de dessinateur humoristique ?
Georges Wolinski - La passion du dessin commence très jeune, il y a des gosses qui courent derrière un ballon, d’autres comme moi préfèrent crayonner ou lire. Très tôt, j’ai aimé dessiner ce que je voyais dans les livres que l’on m’offrait, et à 11 ans je me suis acheté mon 1er livre du grand dessinateur Dubout. Tous les dessinateurs humoristiques que je connais ne croient en rien, ne respectent rien à part l’intelligence, et de ce fait nous n’avons pas le même regard que les autres sur le monde. Le moment que je préfère est celui toujours inattendu, où je m’aperçois que j’ai trouvé l’idée que je cherchais depuis des heures, pour illustrer le thème du dessin que je dois faire. Tout d’un coup, je me dis tiens voilà c’est ça, le dessin est fait et ça me paraît évident. Lorsque je fais des dessins publicitaires, c’est plus facile, vu que c’est très bien payé, je prends un malin plaisir à le faire très vite.
Quel regard portez-vous sur le monde agricole ?
G.W. - Je suis avant tout un citadin, étant né à Tunis et vivant depuis longtemps à Paris, mais vers 13 ans, j’ai quitté la Tunisie pour rejoindre ma mère à Briançon à la fin des années 40. Du monde agricole, j’ai le souvenir de gens habillés très simplement, les femmes étaient en noir, ils cultivaient des pommes de terre dans la montagne avec les difficultés que posait la neige en hiver. Aujourd’hui, c’est un monde un peu lointain pour moi, mais j’ai toujours du plaisir à parler avec des paysans. Ils ont une sorte de sagesse, de façon d’être, une intelligence qui ne me déplaît pas, j’aime leur mentalité, leur simplicité. En tant que consommateur, je préfère acheter français quitte à attendre que les fruits et les légumes soient de saison et proviennent d’une région française. Il y a une sorte de rituel de l’honnêteté chez les paysans français. Par ailleurs, j’aime aussi lorsque je fais de la route voir la beauté de tous ces champs cultivés.
De quoi est faite votre actualité ?
G.W. - Une grande exposition retraçant 50 ans de dessins se tient du 28 juin au 2 septembre à la Bibliothèque Nationale de France. Il y aura 500 dessins allant des premiers que j’ai faits durant la guerre d’Algérie en étant sur place, jusqu’à aujourd’hui. Parallèlement sort un livre « Wolinski 50 ans de dessins » aux éditions Hoëbeke, qui est une sorte de catalogue amélioré de l’expo. Egalement, un livre de 900 pages, intitulé « Le pire a de l’avenir » aux éditions du Cherche Midi, où je raconte ma vie pour la 1ère fois en mots, mais aussi en dessins. Enfin, toutes les semaines je continue ma collaboration avec Paris-Match, Charlie Hebdo et le Journal du Dimanche.