« Tout va trop vite et l’humain perturbe le cycle naturel de la vie »

Publié le par Michel Monsay

« Tout va trop vite et l’humain perturbe le cycle naturel de la vie »

Directeur depuis 25 ans de l’Institut européen de bouddhisme tibétain, Joseph Serra, 59 ans, a été aussi vice-président de l’Union bouddhiste européenne. Il s’est toujours employé à développer le dialogue interreligieux et celui entre la science et la spiritualité. Parallèlement, ingénieur diplômé et professeur agrégé en génie civil, il s’investit aujourd’hui dans l’éducation à l’environnement.

 

Quelle est la relation de votre religion avec l’agriculture et l’environnement ?

Joseph Serra - Comme pour tout humain, être concerné par l’environnement n’est apparu qu’avec l’essor récent et sans précédent de l’industrie et de la technologie. Aujourd’hui l’humanité consomme près de 1,4 planète, plus que ce que la planète ne peut régénérer. Sa Sainteté Sakya Trizin, grand maître bouddhiste tibétain, a écrit une prière « La crise écologique : une prière souhait » dont voici quelques extraits :

« A cause d’une énorme quantité d’actions dégénérées, l’avidité extrême de certains convoite les ressources du monde. Les arbres et les forêts sont coupés, ce qui déséquilibre l’élément eau et les pluies. … D’innombrables usines produisent des nuages de fumées qui polluent l’air et causent des maladies sans précédent…. La protection naturelle de la couche d’ozone se perce et des maladies de peau incurables apparaissent. Les conséquences de puissants désirs inassouvis risquent de transformer rapidement ce monde en désert… »

L’une des menaces des plus sérieuses est celle de l’alimentation. L’agriculture et l’élevage y sont liés. Avec l’arrivée de la chimie dans l’histoire récente de l’agriculture conventionnelle, les engrais ou fertilisants ont fait leur apparition. La poussée des blés et des herbes a conduit à l’apparition des désherbants. Or sans oligo éléments, le sol est déséquilibré et le champignon progresse plus vite vers la graine avec des blés plus courts. Les fongicides font leur apparition. Les insectes se retrouvent dans un environnement dévitalisé et se rabattent sur le blé, d’où les insecticides. De plus, dévitalisés à 90%, les sols se mettent à mourir. Aujourd’hui, 40% des sols arables de la planète sont ainsi dégradés.

L’élevage industriel présente pour les bouddhistes une double difficulté. D’une part on en a besoin biologiquement pour notre santé, et d’autre part un être vivant nous donne sa vie créant un lien karmique (une sorte de dette).

La transformation des produits rend l’humain malade. Comment en effet rester en bonne santé sans vitamines, antioxydants etc. ? Sans compter tous les poisons, adjuvants et même nanoparticules, inconnues du grand public, que nous ingérons sans cesse.

                                                              

Quelles sont les pratiques alimentaires spécifiques à votre religion et en quoi consistent-elles ?

J.S. - Nous recommandons le régime végétarien. Mais chacun est libre. Pour certains jours du mois ou durant certaines cérémonies, nous avons également des pratiques de jeûne. Il s’agit par exemple de ne plus manger après le déclin du soleil jusqu’au lendemain. Bien entendu, il ne faut pas en profiter pour se gaver à midi en prévision !

 

Comment votre religion a-t-elle évolué ces dernières années notamment sur les questions de bioéthique (santé, OGM) et de biodiversité ?

J.S. - Il est très difficile d’être informé de la réalité. Le grand public ne sait pas que les OGM récents sont de deux sortes : ceux qui produisent leur propre insecticide comme les BT et ceux qui y résistent et donc les absorbent. Ces poisons se retrouvent dans notre alimentation.

Il y a plutôt consensus pour considérer que les manipulations génétiques sur les végétaux et les animaux ne sont pas suffisamment empreintes de raison et de sagesse. Tout va trop vite et l’humain perturbe le cycle naturel de la vie. Aujourd’hui le rythme de disparition des espèces est multiplié par près de 1000 ! L’humain, au sommet de la pyramide, est donc menacé.

Je doute que les prières pour la nature, pour la paix, même si elles sont nécessaires, restent suffisantes, puisque les dégradations se poursuivent.

Si la prise de conscience mondiale est une excellente chose, n’est-ce pas à ceux qui ont produit ces problèmes d’en trouver aussi les remèdes ?

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