« Le protestantisme porte une attention renouvelée à l’usage des aliments, au respect des animaux, au refus du gaspillage »

Publié le par Michel Monsay

« Le protestantisme porte une attention renouvelée à l’usage des aliments, au respect des animaux, au refus du gaspillage »

Nommé depuis un an à la présidence de la Fédération protestante de France, le pasteur François Clavairoly, 57 ans, est un des artisans de l’union en 2012 des églises réformées et luthériennes en France. Théologien de formation, il est très attaché à l’œcuménisme et au dialogue interreligieux.

 

Quelle est la relation de votre religion avec l’agriculture et le monde rural ?

François Clavairoly - Le protestantisme en Europe comme en France a été très longtemps lié au monde rural. Son implantation géographique dans notre pays, même en dehors de ses régions de prédilection comme les Cévennes, le Poitou, la Thiérache, la Drôme ou le Vivarais, a cependant considérablement évolué ces 60 dernières années. L’exode rural, l’apparition de grandes agglomérations autour des métropoles, et surtout les mutations des modes de production de l’agriculture elle-même ont bouleversé le paysage. Le Mouvement d’Action rurale (MAR), un mouvement de réflexion économique et théologique porté par des agriculteurs et des spécialistes membres des Eglises protestantes, a accompagné durant toute cette période la réflexion des Eglises et du monde paysan protestant.

 

Quelles sont les pratiques alimentaires spécifiques à votre religion et le regard sur les modes de production et de consommation ?

F.C. - Le message de l’évangile ouvre tous les possibles en matière de recherche, d’innovation, de production et de consommation. Les premiers mots adressés à l’être humain, en forme de vocation, à savoir ces deux impératifs « croissez et multipliez », appellent à la responsabilité et tracent les perspectives d’un avenir fait de richesse et de partage. L’interprétation exclusivement quantitative de ce que peut être la croissance a cependant conduit à une productivité néfaste, à bien des égards. Et la conscience dans le monde protestant de la difficile réconciliation entre agriculture et environnement oblige à opérer encore aujourd’hui des modifications dans les modes de production mais aussi de consommation. Tous les citoyens sont donc concernés par l’agriculture et pas seulement les agriculteurs. « La clef des problèmes écologiques (qu’il faut désormais regarder au plan mondial) est dans les mains des consommateurs. Se soucier positivement de l’alimentation, c’est donner une chance à une agriculture moins intensive, moins paradoxale. Pour respecter l’environnement naturel et culturel, l’’essor d’une agriculture régionale, plus paysanne, à mi-chemin entre le productivisme et le biologique est plus que jamais nécessaire », comme le note un document du MAR.

Sur un autre plan, il faut remarquer que s’’il n’y a aucun interdit alimentaire en protestantisme, il n’en demeure pas moins qu’une attention renouvelée est à porter :

- à l’usage des aliments au plan de leur production et de leur fabrication comme au plan de leur consommation

- au respect des animaux pour ce qui concerne l’élevage et le soin, de la naissance à la mort,

- au refus des gaspillages et, depuis quelques années déjà à une vision du monde portée par ce qu’on pourrait appeler une frugalité joyeuse, renonçant aux excès de consommation en tous genres qui mettent en cause les équilibres de la nature. L’engagement de la Fédération protestante de France à l’occasion de la conférence de l’ONU Paris Climat 2015 en témoigne. (cf. www.protestant.org).

 

Comment votre religion a-t-elle évolué ces dernières années notamment sur les questions de bioéthique ?

F.C. - La recherche scientifique s’inscrit dans le paysage juridique, politique, économique et éthique du pays. Les enjeux financiers de cette recherche engagent de nombreux secteurs d’activité.

La question posée est donc complexe. Il s’agit de tenir à la fois les exigences de la santé publique et de la liberté de recherche, d’encourager les innovations sans mettre en danger des secteurs d’activité directement impactés par ces innovations. Il s’agit surtout de ne pas laisser l’hubris humaine l’emporter, au nom des intérêts financiers, sur l’intérêt général. Dans une économie et donc une agriculture mondialisées, la régulation politique et l’engagement citoyen sont ici en première ligne.

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